La création des Cahiers de l’AFPC en 2024 coïncide avec le quarantième anniversaire de l’association. C’est pourquoi il nous a semblé intéressant de proposer comme thématique de ce premier numéro : L’enseignement - apprentissage du chinois en France – évolution de la réflexion disciplinaire et des pratiques pédagogiques depuis 40 ans.
Les quarante dernières années ont été marquées par de nombreux changements pour notre discipline, à commencer par une croissance et une diversification très importante des effectifs d’apprenants, qui vont désormais des sections internationales du primaire et du secondaire aux départements d’études chinoises ou LEA des universités ; des collégiens et des lycéens inscrits en LVA, B ou C, aux adultes de tous âges inscrits dans des cours associatifs ou dans des écoles de langue.
Au niveau didactique et pédagogique, ces années ont été celles de plusieurs évolutions majeures, dont :
- la mise en place depuis la fin des années 1980 d’une spécificité française : la logique des seuils de caractères. Elle est née avec la publication en 1989 au B. O. d’un seuil de 400 sinogrammes – les plus fréquents et les plus utiles pour un apprenant débutant – et s’est poursuivie en 2002 puis en 2008 par celle de six autres seuils, rédigés sous la direction du premier Inspecteur général de chinois, Joël Bellassen, dont l’un de 805 signes à destination des lycéens de chinois LV1 et un autre de 1 555 sinogrammes pour les lycéens des sections internationales, correspondant pour ce dernier aux caractères à connaître pour pouvoir commencer à lire en autonomie sans buter sur trop de 拦路虎les « tigres barrant la route », c’est-à-dire les caractères inconnus ;
- un essor de l’offre éditoriale en matière de manuels et de méthodes. La croissance des effectifs d’apprenants a suscité l’intérêt des maisons d’édition et a ainsi permis la publication de nombreux ouvrages pédagogiques. Parmi les manuels existants, il y en a qui se distinguent par la volonté de leur(s) auteur(s) de séparer l’enseignement-apprentissage de l’oral de celui de l’écrit, en recourant systématiquement à l’écriture phonétique en pinyin pour l’oral. Le premier manuel relevant directement de cette approche a été C’est du chinois, de Monique Hoa, publié en 1999. Il a été suivi en 2003 par le premier tome du manuel de l’INALCO Méthode de chinois – premier niveau, dont le second tome a été publié en 2017 et le troisième en 2019, et par les trois volumes du manuel Le chinois…comme en Chine publiés respectivement en 2009, 2016 et 2023. Même si la mise en œuvre de la disjonction oral/écrit dans ces différents manuels recouvre des modalités différentes, leur(s) concepteur(s) ont en commun d’appréhender de façon bien différenciée le territoire de l’oral, régi par le mot, et le territoire de l’écrit, régi par le caractère.
- Une évolution des pratiques pédagogiques avec tout d’abord – dans l’enseignement secondaire surtout – une adaptation au Cadre Européen Commun de Références pour les Langues, en usage depuis 2002. Cela va de la mise en place de « l’ approche actionnelle » et de la recommandation à utiliser des « documents authentiques », à la prise en compte des cinq compétences langagières dans l’organisation des séances et des séquences et à l’indexation des compétences visées sur celles décrites dans le Cadre. Cette évolution a par exemple conduit les éditions Didier à éditer dès 2008 le manuel Ni Shuo ne, directement inspiré par le CECRL, suivi depuis par d’autres ouvrages dont récemment par la série des Lai ba s’adressant plus particulièrement aux collégiens. L’autre évolution est liée au développement des TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement), et à celui, très rapide ces dernières années, des applications et programmes numériques de toutes sortes, dont les dictionnaires électroniques et les OTA (outils de traduction automatique), et plus récemment de l’IA générative, et notamment de CHAT GPT.
En plus des différents aspects mentionnés ci-dessus, la thématique de ce premier numéro des Cahiers de l’AFPC concerne également bien d’autres questions éventuelles, comme par exemple l’évolution des représentations que se font les apprenants de la langue et de l’écriture chinoises – l’écriture chinoise est-elle toujours perçue comme très difficile ? – ainsi que de la Chine et de la culture chinoise, ou encore celle de leurs motivations. Elle touche aussi à la linguistique et notamment à la linguistique appliquée à l’enseignement, notamment en ce qui concerne les avancées récentes de la recherche sur ce sujet, concernant par exemple tel ou tel point de grammaire, ou encore la description des néologismes et de la « cyber-langue »…
Précisions concernant l’appel